
Crédit photos: Becky Leighton
Le week-end des 21, 22 et 23 novembre se tenait, en terre sud-africaine, la dernière étape des World Trail Majors sur les sentiers de la Table Mountain à Cape Town. Au programme : trois jours, six courses allant de 23 à 161 km, un plateau d’élites d’exception et un terrain de jeu mêlant sommets techniques, forêts humides et plages de sable blanc. Les 2 500 partants de cette édition ont dû, en plus des fortes chaleurs du début d’été, faire face à un vent violent qui, vous le verrez, a chamboulé les plans de cet UTCT 2025.
Au programme de cette rubrique : déroulement et dénouement des courses, classements, et les plus beaux clichés de ce week-end d’anthologie.
Présentation de l’événement
Créée en 2014 sur les sentiers de la péninsule du Cap et de la Réserve Naturelle de Table Mountain, à l’ouest de l’Afrique du Sud, l’Ultra-Trail Cape Town a connu un début plus que modeste, avec une poignée de coureurs au départ et seulement 16 finishers pour l’épreuve de 100 km.
Onze ans plus tard, l’événement affiche un tout autre visage : environ 2 500 coureurs venus de 55 pays différents, une intégration au circuit World Trail Majors (WTM) en 2023, et six distances couvrant un large spectre, allant des amateurs aux ultra-traileurs confirmés. L’UTCT a également vu défiler, ces dernières années sur sa course phare, des coureurs tels que Jim Walmsley, Courtney Dauwalter, Ruth Croft, Ryan Sandes, Pau Capell ou Thibault Garrivier, pour ne citer que quelques noms qui ont contribué à placer cette course comme la référence du continent.
Le week-end propose six formats de courses chronométrées, de 16 à 161 km, auxquels s’ajoutent quatre courses enfants, de 300 m à 2,5 km (U3 à U13) :
- UTCT : 161 km – 7 200 m D+ (possibilité de pacers sur 100 km)
- UT100 : 99 km – 4 700 m D+
- PT55 : 57 km – 2 650 m D+
- TM35 : 35 km – 1 930 m D+
- EX23 : 23,5 km – 1 040 m D+
- KS16 : 16 km – 665 m D+
Déroulé de la compétition
Départ et premières heures
Alors que la ville du Cap dort encore, il est 4h du matin, ce samedi 22 novembre, lorsque les 413 partants de la course reine s’élancent pour affronter les 99 km et 4 700 m de dénivelé. Et on ne peut pas dire que les favoris n’aient pas répondus présents pour cette 11ᵉ édition, avec sur la ligne côté hommes: le double lauréat 2022 et 2023, le Russe Dmitry Mityaev. À ses côtés, une armada américaine menée par Chris Myers et Jeff Mogavero, respectivement 2ᵉ et 4ᵉ de la WSER cette année, ainsi que l’Équatorien Joaquin Lopez, 3ᵉ de l’UTMB 2024.
Côté femmes, Sunmaya Budha (Népal) faisait figure de favorite après sa récente 2ᵉ place aux derniers championnats du monde de trail long en Espagne. Elle était accompagnée de l’Allemande Rosanna Buchauer, de l’Américaine Alyssa Clark et de la Russe Antonina Lushina.
Dans les premières heures de course, après les vingt premiers kilomètres autour de Lion’s Head, deux protagonistes se détachent déjà : Jeff Mogavero et Dmitry Mityaev, suivis de près par le reste du peloton. Il est bien trop tôt pour s’avancer alors qu’ils attaquent l’ascension du point culminant de la course (1 100 m d’altitude).
Crédit photos: Becky Leighton
Moments Clés
Comme tout au long de la semaine, le vent fait des siennes et se déchaîne sur les cinquante premiers kilomètres jusqu’à Hout Bay, où traverser les longues plages face aux tempêtes de sable ajoute de la difficulté.
Ce n’est qu’après la bascule sur l’autre versant et la descente vers Constancia Glenn (km 70) que le climat change complètement : le vent laisse place à de très hautes températures, typiques du début d’été. C’est à ce moment-là que Mityaev, qui jusque-là avait laissé les devants à l’Américain, prend l’initiative et passe de 8 minutes de retard à 6 minutes d’avance dans le dernier tiers.
Chez les dames, la Népalaise Budha mène les débats, creusant progressivement l’écart. Derrière elle, la bataille fait rage entre Lushina, Buchauer et Fraga.
Il reste alors 30 km. Les jambes sont fatiguées et les organismes surchauffés, le mercure dépassant les 35 °C. La forêt très humide de Newlands et l’ultime ascension vers King’s Blockhouse viennent parachever la difficulté de ce parcours.
Arrivés et verdict
Duel au sommet, finish d’anthologie
Il est bientôt 15 h, le soleil à son zénith. Après 10 h 58 min 03 s de course, et à seulement un kilomètre de l’arrivée, l’ultra entre dans le domaine de l’irrationnel. Jeff Mogavero rattrape Dmitry Mityaev et le passe même dans la dernière descente vers Gardens. Le Russe, bien décidé à décrocher sa 3ᵉ victoire, s’accroche à la semelle de l’Américain.
C’est donc une arrivée en sprint pour la victoire finale qui se dessine. Finalement, ce sont les longues foulées de Jeff qui prennent le dessus sur la puissance de Dmitry : à l’arrivée, les deux hommes s’écroulent au sol, séparés par seulement 31 secondes.
À 6 minutes derrière, c’est la bonne surprise locale Matthew Healy qui monte sur la troisième marche du podium.
Crédit photos: Sam Clark
Budha au sommet de son art
Arrivée favorite, Sunmaya Budha repart championne. À Cape Town, la Népalaise s’impose sans jamais être inquiétée, et décroche même une superbe 7ᵉ place au scratch, à seulement 1 h 20 du premier homme.
Comme l’année précédente, Antonina Lushina doit se contenter de la 2ᵉ place, tandis que l’Américaine Tara Fraga s’offre une très belle 3ᵉ place.
Crédit photos: Sam Clark
CLASSEMENT GÉNÉRAL HOMMES UT100
1. Jeff Mogavero 11: 04 : 53
2. Dmitry Mityaev 11 : 05 : 24
3.Matthew Healy 11 : 11 :26
CLASSEMENT GÉNÉRAL FEMMES UT100
1. Sunmaya Budha 12 : 25 : 55
2. Antonina Lushina 13 : 33 : 31
3. Tara Fraga 13 : 47 : 04
Témoignages et réactions
À peine avait-il eu le temps de reprendre ses esprit et de comprendre ce qu’il s’était passé, le vainqueur du jour s’est confié au micro de Toni Mccan:
« Je ne me suis vu gagné seulement à 200m de la ligne d’arrivée. (…) C’est génial ici mais tellement différent de la Western State, il n’y a que 3km en commun et après ce n’est que des cailloux, de l’escalade c’était amusant»
Quant à la lauréate 2025, épuisé par l’effort produit, avouera tout de même que malgré sa très belle fin d’année,
« L’enchaînement Mondiaux et UTCT était très difficile mais cette course est vraiment top ! »
Sous l’arche d’arrivée, l’ambiance est électrique. Les yeux fixés sur l’écran géant qui retransmet le dernier kilomètre, les spectateurs retiennent leur souffle avant d’exploser :
« Incroyable ! Je n’ai jamais vu un ultra se jouer à la minute près. Comment font-ils pour descendre à plus de 17 km/h après 11 heures d’effort ?! »
L’étonnement laisse place à des applaudissements nourris : le public sait qu’il vient d’assister à un final d’anthologie.
Point sur les autres courses
UTCT : Les locaux dictent leur loi (161KM – 7200+)
Partis vendredi aux alentours de 17 h, ils étaient 155 coureurs au départ des 161 km. Il aura fallu attendre les trois quarts de la course, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, pour voir les deux Sud-Africains se détacher de leurs poursuivants.
Chez les hommes, Douglas Pickard, parti en tête, aura laissé le double champion en titre Alexei Tolstenko le dépasser jusqu’au lever du jour, avant de reprendre les commandes et de creuser l’écart jusqu’à l’arrivée. Mais le suspense n’était pas terminé : le Russe a vu le Mozambicain Admire Muzopambwa revenir fort et franchir la ligne moins d’une minute derrière.
Côté féminin, la course a longtemps été disputée entre Nicolette Griffioen et Simone Malan, mais la régularité et la détermination de Griffioen lui ont permis de devancer sa compatriote de plus de deux heures sous l’arche d’arrivée. Kerry-Ann Marshall (AfS) décroche quant à elle la troisième place, après avoir mené sa course seule du début à la fin.
CLASSEMENT GÉNÉRAL HOMMES UTCT
1. Douglas Pickard 21: 49 : 11
2. Alexeï Tolstenko 22 : 40 : 48
3. Admire Muzopambwa 22 : 41 : 40
CLASSEMENT GÉNÉRAL FEMMES UTCT
1. Nicolette Griffioen 24 : 40 : 58
2. Simone Malan 26 : 39 : 35
3. Kerry-Ann Marshall 27 : 26 : 30
Crédit photos: Sam Clark
PT55 : Wingenfeld et Kohne déjouent les pronostics (57km – 2650+)
Pour cette dernière étape des World Trail Majors Short Series, rien n’était encore joué : en cas de bons résultats de Robbie Simpson (Écosse) ou de Run Maya Budha (Népal), un titre était encore à portée. Et il y avait du beau monde pour les accompagner : Peter Frano (SLK), 5e des derniers Mondiaux, ou encore Miguel Herras, la légende espagnole habituellement plus habituée aux longues distances.
De toute manière, qui pouvait réellement inquiéter l’hégémonie de Simpson, en quête d’une quatrième victoire consécutive ici à Cape Town ? Certainement pas Jeshrun Small (USA), deuxième l’an dernier, contraint à l’abandon dès la première descente après une entorse à la cheville.
Peut-être que l’Allemand Johannes Wingenfeld n’était tout simplement pas au courant du règne de l’Écossais : en vacances au Cap, il apprend qu’une course a lieu pendant son séjour, prend un dossard… et finit par s’imposer avec 7 minutes d’avance sur Simpson, qui doit cette fois se contenter de la deuxième place. Sur la troisième marche du podium, on retrouve l’Australien du team Adidas Terrex Charles Hamilton, 13 minutes derrière son coéquipier d’Adidas.
Chez les femmes, quelques noms revenaient sans cesse dans les pronostics d’avant-course : Kim Schreiber (GER), Bianca Tabarton (AfS), Varvara Shikanova (RUS). Pourtant, peu avaient misé sur le bon cheval, car c’est finalement Rebecca Kohne, l’enfant du pays, qui a su profiter des chutes ou des méformes de ses adversaires pour s’imposer avec autorité.
Derrière elle, la Française installée au Cap depuis plusieurs années, Olivia Dubern, décroche l’argent, tandis que la Népalaise Budha repart avec le bronze.
CLASSEMENT GÉNÉRAL HOMMES PT55
1. Johannes Wingenfeld 05 : 13 : 26
2. Robbie Simpson 05 : 20 : 35
3. Charles Hamilton 05 : 33 : 38
CLASSEMENT GÉNÉRAL FEMMES PT55
1. Rebecca Kohne 06 : 11 : 44
2. Olivia Dubern 06 : 16 : 59
3. Ram Maya Budha 06 : 21 : 28
TM35: La course stoppée net par la tempête (35km -1930+)
Ça aurait dû être la fête de clôture de cette semaine UTCT, mais le vent, déjà présent depuis plusieurs jours, a redoublé d’effort pour venir ternir l’événement. Pourtant, le comité directeur s’était réuni et avait validé le départ ce dimanche matin pour les 500 passionnés de la discipline.
Mais alors que tout le monde s’était élancé, le directeur de course, Stuart McConnachie, reçoit un appel de ses ouvreurs l’informant que les conditions au sommet de Table Mountain s’étaient fortement dégradées et que les sentiers en bord de falaise rendaient la course bien trop dangereuse pour ne pas faire primer la sécurité sur la performance.
C’est donc à contre-cœur qu’il a pris la décision de faire stopper tout le monde au pied de la montée.
Pour retrouver tous les résultats du week end : Résultats UTCT 2025

Crédit photos: Sam Clark
Analyse et bilan de l’événement
Cette édition de l’UTCT aura une nouvelle fois démontré la solidité de son organisation, malgré des conditions météorologiques particulièrement instables. L’équipe de Stuart McConnachie a su gérer une semaine dense, avec plusieurs formats de course, un public nombreux et des athlètes venus du monde entier.
Points forts :
Balisage clair, communication rapide, équipes de secours réactives : tout a été mis en place pour offrir un maximum de sécurité sur un terrain exigeant. Les athlètes ont souvent salué la fluidité des ravitaillements et le travail des bénévoles, omniprésents et parfaitement rodés malgré des rafales qui compliquaient la logistique.
Le niveau sportif a également été à la hauteur, avec des scénarios de course souvent indécis et des podiums marqués par la diversité des nations représentées.
Axes d’amélioration :
La météo extrême aura mis en lumière la difficulté de gérer des décisions de dernière minute. L’arrêt brutal du TM35 rappelle que, même avec une préparation solide, certains protocoles pourraient encore être optimisés : renforcement des briefings, anticipation encore plus fine des fenêtres météo, ou ajustements de tracés alternatifs mieux communiqués aux coureurs.
Déjà fini ? Rendez-vous en 2026 !
Cette édition de l’UTCT restera comme l’une des plus intenses et des plus contrastées de l’histoire de l’événement. Entre la bataille d’anthologie sur le 100 km, le renversement de situation sur le 55 km, les performances inattendues et l’arrêt spectaculaire du 35 km à cause des rafales, les images fortes n’ont pas manqué. Elles rappellent à quel point le massif de la Table Mountain peut être aussi sublime que redoutable, et pourquoi cette course attire chaque année davantage de coureurs du monde entier.
Pour tout passionné de trail, ajouter l’UTCT à son palmarès, c’est cocher une case à part : celle d’une expérience engagée au cœur d’un des terrains les plus iconiques de la planète. C’est courir du sable aux falaises, des forêts humides aux crêtes exposées, avec la silhouette de Table Mountain comme ligne d’horizon permanente. C’est aussi toucher de près l’atmosphère unique de Cape Town, ville cosmopolite, sportive, vibrante, qui transforme chaque arrivée en véritable célébration.
Les deux prochaines années s’annoncent comme un tournant majeur pour le trail en Afrique du Sud. Après une édition 2026 déjà très attendue, Cape Town accueillera en octobre 2027 les Championnats du monde de trail et de course en montagne, un événement qui va attirer une densité d’athlètes professionnels rarement vue sur le continent. L’UTCT fera naturellement office de référence et de repère pour tous ceux qui voudront prendre leurs marques sur ce terrain exigeant. On peut donc s’attendre dès 2026 à une affluence record, à un niveau sportif inédit et à une atmosphère encore plus internationale.
Pour ceux qui souhaitent vivre cette aventure de l’intérieur ou préparer l’échéance mondiale, les inscriptions pour l’année prochaine seront disponibles dès Février 2026 sur le site officiel :
https://www.ultratrailcapetown.com
Une chose est certaine : l’histoire de l’UTCT est loin d’être terminée. Et les pages qui s’annoncent pourraient bien être parmi les plus spectaculaires.
Crédit photos: Zac Zinn
Crédit photos: Sam Clark – Becky Leighton – Zac Zinn







